cartes à la main,
sourire aux lèvres,
dans les ténèbres du crépuscule
baby déambule.
elle sait où elle va.
un livre de contes calé sous le bras,
une vieille trouvaille, un objet oublié.
elle veut voir le roi,
la star,
la diva.
elle a dans la poche arrière
une boîte colorée.
elle lui laisse toujours
une trace de son passage.

dans ce cirque baroque,
dans cet antre de folies victoriennes,
elle se fait l'effet d'un de ses chers extraterrestres.
elle n'a rien à faire là.
on la dévisage.
on la regarde de haut en bas.
elle se sent jugée
découpée
désossée.
elle marche plus vite.
c'est un dédale de caravanes et d'yeux-miroirs.
elle hésite.
gauche ou droite.
tire une pièce.
pile ou face.
face.
droite.
la logique cahote
sur le pavé de son imaginaire.

elle entre sans frapper.
sourire timide.
soleil ?

caravane pleine de fumée.
j'me vois à peine dans le miroir embué.
vapeur en masse, dans ma gorge, mes poumons,
mon cerveau embrouillé.
vie de rêve.
à peine couvert d'un grand tissu sans attache,
assis sur le lit, je contemple mes exploits.
belle existence, belle réussite,
bel avenir qui s'profile.
soleil ?
haussement de sourcils,
parce que j'ai reconnu sa voix
( enfin, y'a qu'elle qui m'appelle comme ça )
une dernière inhalation et je la distingue enfin
fringuée à son style propre,
toujours aussi jolie, toujours en train d'sourire.
je la dévisage de bas en haut,
de haut en bas,
sans penser à m'lever. trop bien installé.
ça va toi ?
j't'ai déjà dit, évite ce surnom-là.
mais j'm'en contrefous clairement au fond
et ça se lit sur mon visage
que j'ai d'autres préoccupations
( ou pas, d'ailleurs ? )
assis-toi, prends un verre,
tire une taffe, je sais pas.

au travers de la fumée
elle se distingue enfin.
une robe violette à volants
sous un gilet multicolore
-pas à elle mais peu importe-
la chenille est papillon.
elle sourit un peu.
s'assied aussi.
pourtant c'est ton nom.
ça te va bien.
tu brûles comme le soleil.
tu brilles aussi, beaucoup.
et t'es le dieu de ce monde.
t'es le roi-soleil.
elle s'assied.
attrape le bord du filtre.
babydoll ne fume pas.
ne boit pas.
ne se drogue pas.
-le parfum de lavande est suffisant-
mais avec un sourire
elle tire une latte
tousse
s'étrangle à demi.
elle essuie les larmes errantes
et lui tend le livre.
grand sourire.
c'est andersen.
c'est un peu triste
mais moins effrayant
que les frères grimm.
elle a un petit sourire
essuie une tâche errante
de maquillage sur sa joue.
pas à sa place
cette trace de mascara.
elle sort son paquet de cartes
de sa boîte.
les voilà ses cigarettes.
elle les melange distraitement
des gestes experts
répétés cent fois.
c'est quoi tes stickers ?
sur ton miroir ?
les stickers
sont ses seringues.

elle me parle encore de ce soleil de mes deux
auquel on me compare trop souvent
qui brille de mille feux, roi soleil, selon elle,
selon eux
j'avoue que ça me déplaît pas tout ça
j'irai pas m'en plaindre en tout cas.
elle ne fait rien de c'que je fais
elle est pure propre clean jeune belle
et pourtant elle semble tout à son élément
à moitié effacée par la fumée bleutée.
c'est andersen. qu'elle me dit
en me tendant le livre
haussement de sourcils, sourire en coin
j'vais le lire, pour lui faire plaisir.
comme à chaque fois.
non pas que ça m'dérange.
c'est baby alors ça va.
mon miroir tourne et reflète, pour changer
les inhalations des vapeurs colorées
les stickers, les seringues, quels que soient leurs noms
ce sont les pansements qu'elle m'offre sans cesse
à chaque pensée
chaque nouvelle plaie.
je les colle tous là,
parce que tu t'inquiètes trop,
et pour pas grand chose,
je me blesse jamais,
promis juré.
sourire vitrine mais charmant sourire quand même
clin d'oeil amical ou fraternel
un peu des deux
je m'allonge sur les coussins rembourrés.
flegme incarné.
tu viens pour andersen
ou pour me raconter
de quoi sont faites tes jolies journées ?

les vapeurs de fumée
les vapeurs colorées
et intoxiquées
lui rappellent l'encens
qui fume toujours dans sa tanière.
c'est pour se donner un air
comme sur les photos anciennes
les images en noir et blanc
avec des gens un peu effrayants.
mais il y a ces pansements
qui sont là.
sur ce miroir.
et elle ne comprend pas.
elle pensait qu'il les mettait
sur ses bobos, sur ses plaies.
on dirait
des stickers, mis comme ça
une collection
de pansements de couleur.
elle se retourne
sourit d'un air
trop innocent.
mais il est là son vrai pouvoir
de solal le maléfique
solal le retors
solal le malsain
elle fait
solal le magique
solal aux yeux d'or
solal aux douces mains.
elle s'allonge avec lui.
pose sa tête sur son torse
comme une amoureuse alanguie.
mais elle n'est ni amoureuse
ni alanguie.
elle écoute sa voix.
doucement.
j'ai vu des lilas
dans un bouquet de fleurs
mais la plus jolie fleur
c'était la marchande
je la connais un peu beaucoup
j'avais envie
de lui tirer les cartes
ou de lui dire
des choses gentilles.
puis j'ai pensé à toi.
comment toi
t'es toujours grand et fier
et comment tout le monde t'aime
alors je me suis dit
que peut-être je devrais faire ça.
et puis j'ai rencontré une vraie fée !

elle se rapproche, je m'adoucis.
main dans ses cheveux, envie d's'avoir sa vie.
et c'est rare, parce que les gens m'intéressent pas,
ils m'ennuient tous profondément,
me donnent des envies d'meurtre, des envies d'mort,
des envies d'sang, parfois.
j'ai vu des lilas
dans un bouquet de fleurs
mais la plus jolie fleur
c'était la marchande
et elle déroule son histoire.
et je m'endors à moitié dans la fumée
sans pour autant cesser d'écouter
alors comme ça,
elle est amoureuse. d'une fille en plus
rien d'bien surprenant, tout arrive
surtout par ici, en ce moment.
mhh. et elle s'appelle comment,
ta jolie fleur ? j'la connais peut-être.
et la voilà qui me flatte (à nouveau)
(non pas que j'aime pas ça
en vrai j'adore, même un peu trop
mais pour le coup c'est bien trop faux)
fier, j'le suis.
que tout le monde m'aime, pas sûr.
et un sourire entaille mon visage.
j'm'en fous, qu'il me haïssent, qu'ils me blessent
qu'ils me méprisent
j'pense à menma, à son gosse
à ceux que j'ai blessés ou qui peuvent juste
pas m'voir sans s'énerver
à celui que j'ai tabassé y a quelques soirées
c'est amusant, de voir l'image que je donne aux gens.

elle n'ose pas
dire le nom.
après tout,
les noms ont du pouvoir.
c'est une des premières choses
qu'elle a compris.
et puis donner un nom
c'est rendre les choses réelles
elle aime bien la sensation du doute
à se demander si c'est bel et bien
arrivé
où si ce n'était qu'un doux rêve.
après tout, la nuit
le doute est primordial.
c'est baby qui a connu
le brin de lavande.
einlita.
parce qu'elle n'au aucune raison
de se méfier de solal
parce que solal est gentil
et elle l'aime bien.
elle caresse doucement
sa main
joue un peu avec
distraitement.
mais si.
t'es gentil
t'es un peu effrayant aussi
intimidant
et puis t'as l'air incassable.
tout le monde aimerait
te ressembler.
et puis je sais pas.
tu rayonnes.
moi je t'aime bien.
mais baby
elle aime tout le monde.

et elle me dit son nom.
et je la connais.
et comme à chaque fois,
je pourrais en dire,
des choses qui lui déplairaient.
et comme à chaque fois,
j'me tais. sourire au coin.
mensonges aux lèvres.
je la laisse faire
je la laisse croire au bien,
au beau, au bon, au sain(t).
tout le monde aimerait
te ressembler.
haussement de sourcils.
rire à demi vrai.
elle m'amuse, baby
je l'aime bien, moi aussi.
ça, c'est parce que
j'ai d'la confiance en moi.
j'pourrais être le plus laid
le plus raté
le plus paumé,
avec ma confiance,
on peut que t'aimer.
leçon de vie à deux balles
j'suis narcissique et je le sais
je le vaux bien
je le mérite
j'ai tout fait, tout réussi
tout tenté, tout commencé.
alors l'avis des gens
qu'est-ce que j'm'en balance.

elle me raconte
ses contes à elle
pas toujours incroyables
pas toujours trépidants
mais tout d'même.
elle joue avec mes doigts
je joue avec ses cheveux
je l'aime bien, cette poupée
qui me murmure des prédictions
des envies, des passions.
et moi, j'ai rien trouvé
j'ai déjà tout c'qu'il me faut
y a bien mon costumier,
doué, mais on s'entend qu'à moitié
j'ai pas grand chose à demander.
c'est elle, elle m'adoucit, me donne envie
d'être meilleur un peu
mais je suis moins tendre,
moins moi parfois
et d'habitude c'est toujours plus
et là maintenant c'est juste ça,
se parler, s'écouter
exister.

elle m'effleure la paume
effleure mes pensées
ma destinée (pas si) toute tracée
tu vas vivre longtemps
et riche,
mais pas très heureux.
je souris. prévisible.
c'est beau tout ça,
c'est beau d'savoir ça
j'm'en remettrais pas,
si j'le savais pas.
et elle raconte, encore
encore et toujours
flot paisible de mots
de songes réels
elle propose des cadeaux
elle m'offre de son temps
d'elle-même, un peu.
j'veux bien.
et même si j'ai pas besoin,
si tu fais quelque chose pour moi,
j'le mettrai.

elle me fait sourire
elle me fait plaisir
un peu trop naïve
un peu trop sensible
peut-être
tu brilleras
doucement
au milieu du cirque
mais tu brilleras tellement
que tout le monde t'aimera.
petit rire en coin
un peu en vain aussi
y'a des bonbons sur le bureau
prends-en un ou deux.
je me redresse.
elle devrait rentrer chez elle
parce qu'elle mène pas ma vie
pas sous mon toit ou mes lois
et par ici,
les néons s'éteignent la nuit.
représentation ce soir
tu viens, j'espère ?
y'a pas mal de beaux visages
et j'brille plus que jamais.