elle écoute tout
très attentivement
elle veut comprendre
elle veut aider
elle veut soulager.
elle veut pas juste
dire des banalités.
alors elle range les cartes
se relève.
elle a l'air fière
le temps d'un instant.
presque courageuse.
presque crédible.
(c'est juste une gamine)
(qui se même de soucid de grands)
(mais elle veut pas rester en retrait)
(elle veut vraiment aider.)
alors avec cette détermination
propre aux oetits enfants
pleins d'espoir
et de naïveté,
elle décrète d'un ton docte.
je l'en empêcherai.
je ne le laisserai pas faire.
il approchera pas ton bébé
je te le promets.
et si.
tu es particulièrement
douce et gentille.
au fond.
ça se sent.
elle ne sait pas
de qui elle parle.
elle ne se rend pas compte
de la situation.
elle se sent prête à de battre
pour protêer menma.
si seulement elle savait.
elle récupère le pinceau.
sourit grand.
elle attrape la main de la sirène
trace un trèfle sur le dos.
elle s'applique.
et sourit.
ca te portera chance.
menma la remercie pour les cartes
mais baby sourit.
les cartes
c'est la seule chose
qu'elle sait faire
la seule chose
qui tient debout.

y'a qu'des fois,
malgré toutes nos forces,
même si on s'appuie sur à peu près tout
y a des histoires qui se racontent pas,
celle de Menma et Solal n'étant pas bien jolie,
elle voudrait l'épargner et repeindre les murs,
oui c'est ça le plus beau,
c'est le petit immeuble
où elle refera sa vie,
là où tout est permis,
où elle a pas une main,
sur la gorge,
sur les seins.
et puis elle suffoque un coup,
avant de reprendre l'esprit,
un coup d'pinceau fébrile
qui refera le monde,
non tout l'univers.
et l'sien a perdu ses fondations,
elle le dira jamais vraiment,
mais c'est comme ça.
aujourd'hui y a tout à refaire.
non,
non t'interviens pas,
c'est rien,
il s'en fout il admet même pas...
qu'c'est le sien,
il
il est comme ça.
et j'étais conne,
moi,
j'ai toujours besoin de quelqu'un,
j'suis pas fiable comme personne,
non j'le suis pas.

baby peut sentir
que la maison est bancale
qu'il manque quelque chose
qu'il manque beaucoup de choses.
et que même son rose
son violet
ses cartes
et ses boules de cristal
ne pourront pas remplacer.
ça sert à rien.
et puis elle se mêle
de choses qui ne la regardent pas.
après tout
il y a seulement quelques instants
elle ne la connaissait pas.
mais elle aimerait
faire quelque chose
l'aider
l'aimer
comme on aime une maman
comme on aime une soeur
elle veut serrer menma
dans ses bras.
fort.
lui promettre d'être là.
lui dire qu'elle croit
elle croit en menma
comme elle croit aux extraterrestres
comme elle croit qu'ariel
il vient des étoiles
menma
elle vient de l'océan
des sirènes
et sa mère était une fée.
tu peux t'appuyer sur moi,
si tu veux.
je serai là
si t'as besoin.
pour repeindre les murs.
pour repeindre tes jours.
moi je m'en fous pas.
je t'aime bien.
c'est à peine
un murmure
c'est discret
ça s'envole presque.

à force de la voir y croire,
y a comme un bout de ciel
dans ses mains qui s'attarde,
se perd, se tord, se tend à elle,
ne bouge plus d'entre ses doigts
et elle peut voir l'infini.
l'infini est une douceur,
un morceau de ciel embrassé de soleil,
les mots de baby roulent,
doucement ils viennent et enlacent menma,
je t'aime bien aussi,
mais c'est pas un jeu,
tu peux pas tout réparer avec des cartes,
les dieux ne s'affrontent pas
en jouant au tarot,
ils préfèrent
autre chose,
un chaos,
un vide,
anarchie,
les bouts de ciel
condamnés,
plus rien qui passe
ni la tendresse de baby,
ni celle de ceux qui tiennent menma
par le bras,
par la main.
tu parles vite,
tu sais pas à quoi ça ressemble
comme Solal est compliqué,
tu sais pas.
non en fait,
j'veux pas que tu risques ça,
tu peux pas rester.

elle est balayée
envoyée
éventée.
elle aimerait s'accrocher
continuer de répéter
ces mots
ces phrases
ces encouragements.
c'est pas un jeu
ses cartes.
ce sont les quelques bouts d'espoir
qu'elle arrive à donner
sans jamais regretter
sans jamais les reprendre.
et quand elle entend ce prénom
quand elle entend le nom
de son peter pan doré
tout s'écroule
tout tombe
tout tourbillonne.
c'est solei-solal ?
qui t'a rendue comme ça ?
qui t'a fait tant de mal ?
non.
solal il est gentil.
il est doux solal.
un peu brûlant
un peu égoïste
comme tous les soleils.
ça peut pas.
il y a de grosses larmes
qui montent à ses yeux.
babydoll veut pleurer.
solal est méchant ?
solal fait du mal ?
mais il peut pas.
les pansements
les pansements sont là
pour guérir les coeurs
et les émotions
qui rendent méchants.
les livres de contes
disent qu'il faut être gentil.
et il les lit.
elle le sait. alors.
solal.
il peut pas être méchant.
c'est pas le même.

si Solal était un soleil,
il y avait peut-être une réponse
à ces tempêtes,
de belles danseuses
qui valsent
sans fin,
attrapent
et ne savent pas
relâcher,
réconforter,
seulement danser.
il n'y a plus de soleil,
pour Solal,
ça fait longtemps qu'il y a
un grand fossé
entre elle et lui,
seulement les larmes
au coin des yeux de baby
la font serrer son gosse dans ses bras.
elle veut lui dire d'oublier,
que de l'encre a coulé sous les ponts,
et si elle est partie, étrangement
c'était aussi...
c'était pour le satisfaire,
ne plus le tenir à deux bras,
ne plus le voir au bord,
à lui faire cajoler un monstre,
parce que c'est plus compliqué
que ça.
elle le sait,
elle peut pas l'expliquer,
pas comme elle voudrait.
écoute t'as pas besoin
d'être là ou d'entendre ça
c'est pas grave,
je savais ce que je faisais,
plus ou moins mais j'étais plus une enfant
et lui,
il a merdé
mais ça arrive,
ça arrive d'accord?
lui,
elle regarde son fils,
il saura pas, il saura pas tout de suite
alors ça va.

elle a vu les éclairs
sous les nuages,
qui se dessinaient.
elle a vu ça,
les mains nouées
la gorge nouée,
le corps fébrile,
elle a vu ça,
sous le vieux papier-peint d'la baraque
puis dans le coeur des gens aussi,
nuageux,
elle espérait que ça passerait
parce qu'après tout
ça devait passer,
ici c'était un bel endroit,
un endroit comme une famille
c'est ce qu'elle croyait.
Menma approche.
je vais te faire un truc chaud,
faut pas que t'ébruites ça.
surtout pas.

elle secoue la tête
y a aucune chance
elle ne le dira pas.
ça peut être une tombe
une carpe
même une carpe dans une tombe
s'il le faut.
pour cela
ses lèvres resteront closes.
elle ne le dira pas
parce qu'elle ne le comprend pas
parce qu'elle ne le reconnaît pas
parce qu'elle ne l'accepte pas.
mais elle sourit un peu.
elle ne dit pas non
à un truc chaud.
et pendant ce temps,
elle peint.
elle aimerait
mettre des symboles de protection
un peu partout.
mais ce n'est pas chez elle
elle donnera plutôt
quelques grigris
quand ce sera fini.
elle la regarde
du coin de l'oeil.
hésite.
mais
finalement
je peux te serrer dans mes bras ?
elle veut
que ça aille
bien
mieux
ce qu'elle veut.

de près ou de loin,
y avait quelqu'un ici,
quelqu'un de fort.
baby,
baby une force dans l'âme.
Menma la fixait,
dans ses silences,
silences baignés d'inquiétude.
le silence est rageur.
pas d'or,
rageur.
quand il les envahit,
il prend aux tripes.
Menma suffoque un peu
les mains sur sa machine,
l'italienne.
elle fait chauffer du lait,
le cacao fond,
doucement,
assez doucement pour
se fondre au reste.
l'odeur embaume la pièce.
et puis elle se retourne,
déterminée comme si baby était un bout d'passé
auquel elle a pas eu droit.
il arrive aujourd'hui,
c'est tout
son corps s'confond au sien,
elle l'entoure,
elle lui dit qu'ça ira.
elle la berce.
le bébé a arrêté d'gesticuler.
tant qu'il lui fait pas de mal,
ça va.

les superhéros,
portent pas de cape,
juste de quoi pas s'foutre en l'air.
la fatigue venait lui rendre visite
y a pas si longtemps,
noyer des histoires,
racheter des silences.
aujourd'hui y a le souvenir lâche,
de l'époque qu'elle aimait secrètement
elle lui dit mille mercis
à babydoll,
elle voudrait bien lui dire
que ça va pas être drôle
si elle est dans ce camp bizarre
entre les deux.
mais elle peut pas,
elle en a pas la force.
alors elle s'assied,
peinture sur la figure,
elle lui raconte,
toutes ses mésaventures
j'ai pas l'impression
qu'c'est quelqu'un de mal
mais il l'aime,
sa spirale.
sa spirale infernale.

elle s'assied
en face d'elle.
elle pourrait écouter
les gens raconter leur vie
toute sa vie.
elle aime écouter
autant qu'elle aime conter.
elle regarde
les taches de peinture
qui constellent le visage
de la jolie fée.
elle ne perd pas un mot
pas une syllabe
pas une miette. elle hoche la tête doucement.
c'est possible.
c'est souvent que les gens
s'y complaisent
ils se sentent puissants
indétrônables.
mais je peux te dire
qu'il est pas entièrement mauvais.
non.
sinon
il aurait jeté
les pansements
il l'aurait blessée
il se serait amusé.
il n'a jamais rien fait
de tout ça.
alors ce n'est pas quelqu'un de mal.

y a pas qu'un portrait de lui
ce serait pas possible de le décrire,
comme ça
le roi est bon,
le roi est tendre,
il est bancal,
pas très commode,
le roi est fou,
désabusé,
aliéné,
complètement pété.
le roi espère,
le roi prospère,
le roi est tigre,
le roi est gosse,
le roi a des étoiles sur la tête,
et dans ses mains,
et dans ses yeux,
le roi domine,
sur la planète
et baby suit,
baby docile,
baby câline,
baby avec ses jambes de doll,
baby est onguent
sur la plaie,
pansement sur le coeur,
et baby aime roi,
alors menma oblique,
elle tourne autour de son nouveau soleil,
la regarde,
s'accommode
je l'aimais,
une partie de moi l'aimait.
je sais,
pourquoi tu crois
que tu le respectes?

elle ne sait pas vraiment
baby n'a pas
de réponse.
baby respecte
tout le monde
et personne
elle aime tout le monde
chacun d'entre eux
leurs parts de lumière
illuminent ses journées
elle aime tout le monde
de la même manière
(sauf lita
et quelques uns
parce qu'on a tous
nos petites préférences)
elle n'aime pas
manquer de respect
parfois il le faut
pour se sentir moins coupable
en face de la croix
il faut être un peu méchant
pour aller au paradis.
elle hausse les épaules
la gamine.
je sais pas ?
parce qu'il est gentil ?
parce que c'est mon ami ?
il fait la collection
des pansements que je lui donne
il les colle sur le miroir
qui est dans sa loge.