je sais bien.
il y a pas eu cet entre-deux,
et le silence s'est formé entre eux,
pendant qu'il lui ôtait quelque chose de précieux,
plus que le bruit des chairs qui s'échangent des mots précieux,
et pas d'amitié, pas d'amour, pas de délicatesse,
de l'oublié, du refoulé, du maladroit.
elle sait pas en réalité,
c'est juste que baby va s'déconnecter si ça continue,
partir dans des interprétations folles de comme l'humain saute
de l'un à l'autre sur la case des tendresses,
comme il l'aime, cette pente bizarre entre vérité et mensonge,
c'est pas comme si elle lui voulait du mal,
mais aujourd'hui c'qui lui importe c'est baby,
car menma est impardonnable,
elle peut pas s'empêcher de tout casser.
tout se retrouve par terre, en chaos,
tout s'effrite doucement,
tout se noie.
non,
je mentais
je sais pas,
j'en sais rien
et j'veux pas
revivre ça.

mais quoi de mieux que les contradictions,
pour se convaincre que c'est pas réel,
parce que c'est pas réel,
c'est sûr on est dans un entre-deux,
un entre-deux terrible où rien devient vrai.
où tout reste plat, pas droit, pas bien, de travers,
où tout se confond au reste,
se perd,
se tord,
se fond.
menma embrouille baby,
baby embrouille menma,
dans la boutique,
elle déambule, elle a le corps en flammes
et l'âme en lambeaux,
comme si rien n'allait s'réparer,
comme si c'était trop tard de toute façon.
faut que tu saches qu'avant de le connaître,
elle tire une croix de sous son haut,
elle la serre entre ses doigts
je l'avais déjà perdu
(dieu? solal?)
et lui,
il souriait comme il faut,
il était heureux comme il faut.
c'était comme un soleil,
baby.

j'veux dire que parfois,
on s'trouve des miracles,
histoire de se dire
"tiens je suis heureux"
et puis, on en profite
le temps que ça dure,
mais quand je l'avais
entre mes mains,
c'était pas mal,
c'était comme vivre.
elle se surprend à s'taire avant la fin,
elle peut pas tout dire,
elle a pas le droit,
parce qu'elle c'est une fille-fumée
sans attaches bien faites,
que des catastrophes,
et c'est comme ça.

c'est les cartes qui te disent ça?
menma sourit, le nez dans une tasse de café.
y a tellement de choses pour lire l'avenir,
des feuilles de thé,
un vieux pendentif,
les yeux d'une voyante.
baby prédit tout, tout, tout
et menma se remet à chantonner.
la vie reprend son cours, c'est ce qui aurait dû se passer
dès le début,
que personne soit blessé.
dis moi,
comment c'est la vie au cirque pour toi?

elle a eu sa période agent secret aussi,
postée pas loin des chapiteaux,
les mains dans l'herbe,
les yeux en haut à s'dire
combien elle avait d'la chance
et puis ce qu'elle aimait avec les voyantes,
c'était leur petit établi magique avec
leurs miracles disposés
dans la boule de cristal
(leurs yeux)
tout luit d'une couleur nouvelle
et menma y croyait avant.
y a peut-être un élan de nostalgie dans sa question,
quelque chose de soudain,
de brusque envie de retour au passé,
(de perte)
elle s'y retrouve,
elle aime y repenser,
elle pense à baby,
à ariel,
à solal,
elle s'inquiète.
ça fait des années qu'elle a pas fléchi pour eux,
de ceux qui restent loin et près à la fois.
de ceux qui mangent les feux d'artifice.
menma prend du white spirit,
attrape les mains de baby,
les nettoie.
ça va beaucoup te rendre heureuse,
je suis sûre.
j'aimerais pouvoir y retourner,
parfois.
mais comme j'ai dit...
non.

einlita?
menma s'approche,
couveuse, docile, maman,
baby est douce-amère,
ça s'entend dans le creux de sa voix,
c'est la voix d'une enfant,
elle a dit un secret,
à son tour.
quand j'avais ton âge,
j'aimais une fleur,
elle s'appelait nana,
menma sourit,
de toutes ses dents,
comme le font toutes les mamans.
y a un soleil, sur cette fleur,
depuis toujours,
il ne l'a jamais quittée, nana.
nana et moi,
elle se souvient,
de sa belle fleur,
de sa fleur attendrie,
sa fleur partie.
il faut les attraper tes miracles,
vite avant qu'ils partent en courant,
loin,
arracher toutes les fleurs,
à ta place,
et ça,
menma veut pas qu'ça lui arrive
menma a des pétales sous les yeux,
des petites larmes,
des insouciantes.

les petits cauchemars naissent de rein,
d’une chaîne qui rougit le cou,
d’un bout de ciel arraché à la terre,
pour une fille belle comme elle,
les petits cauchemars dessinent sur les bras,
tordent les doigts,
les petits cauchemars ensevelissent,
doucement menma se redresse,
le souffle court, les yeux occupés à s’balader,
ou en fuite,
elle sait vraiment jamais.
mon père croyait en beaucoup de choses,
explique menma avec les mains liées
et j’ai fini par ne plus l’écouter,
si la religion a peur d’adam et eve,
alors elle a peur de tout,
et la religion,
ça ne doit pas fonctionner
sur la peur,
parce que n’importe qui,
s’il te juge pour cette fleur,
en disant qu’il croit en jésus,
allah,
ou peu importe quoi,
n’y croit pas vraiment.

c'est pas un droit, ça arrivera baby,
tu aimeras qui tu aimeras,
et y a pas de modèle à suivre,
elle range sa croix, lentement,
elle en prend soin de sa croix,
il est comme un réceptacle de sa foi,
et elle sait pas vraiment menma,
ce en quoi elle croit,
mais elle essaye,
et petit à petit là autour de son cou
il s'passe un petit miracle, l'humanité
y a pas de grande vérité dans sa bouche,
mais elle s'dit que si elle devait parler,
pour dire des choses sur les fleurs et le reste du monde,
si y avait une chose à savoir, c'est que peu importe quoi,
ce serait bien d'être heureux,
tu sais baby,
ton paradis
est pas loin.
qui sait peut-être qu'il s'appelle
einlita.